Lancé il y a environ huit ans au Cameroun, le Programme d’éducation bilingue spécial (PEBS) est un programme expérimental qui a pour objectif d’instaurer un système éducatif orienté vers un bilinguisme plus effectif. Quelques années après, le programme survit, mais pour quelle efficacité ? Peut-on compter sur le PEBS pour enfin avoir un système éducatif bilingue au Cameroun ?
Le programme d’éducation bilingue spécial (PEBS)
Le système éducatif camerounais, jusqu’ici, se compose en réalité de deux sous-systèmes (francophone et anglophone) totalement différents. Ceci rend impossible l’effectivité du bilinguisme dont le pays se réclame. C’est à cause de cette insuffisance que le programme d’éducation bilingue spécial a été pensé et implémenté, en vue de proposer une alternative plus efficace au système actuellement en vigueur.
En un mot, la particularité du PEBS est que plus d’accent est sur l’enseignement des langues. Dès la 6eme spéciale, les enfants sont initiés à la littérature (en anglais) et ont un certain nombre d’œuvres à lire. En plus de cela, certaines matières sont enseignées dans l’autre langue, c’est-à-dire que, pour les classes spéciales du système francophone, l’éducation à la citoyenneté et à la morale (ECM), le travail manuel (TM) et les cours d’éducation physique et sportive (EPS) sont enseignés en anglais. Le programme propose aussi des activités co-curriculaires qui consistent à faire des cours de renforcement que les enfants reçoivent les mercredis après-midi, après la fin des cours.
Implémentation du PEBS : là où le bât blesse
Si en théorie le PEBS a plutôt été bien pensé (sur le principe), au moment de l’implémenter il y a eu plusieurs paramètres de nature à entraver la bonne marche des activités. Rappelons que, à son lancement, le programme a été implémenté dans seulement 60 établissements sur l’étendue du territoire national, et que l’entrée en classe spéciale se faisait sur concours, et seuls les meilleurs (60 par classe maximum) étaient retenus pour participer au programme.
Malheureusement, tout porte à croire qu’aucune étude sérieuse n’a été menée avant le choix des établissements pilotes. Plusieurs établissements ont dû, après une ou deux années d’agonie, laisser tomber le programme et supprimer toutes les classes bilingues spéciales. Dans la plupart de ces établissements, le problème était l’insuffisance du personnel enseignant ainsi que l’absence d’infrastructures (salles de classes pour accueillir les sections bilingues, table-bancs, bibliothèques etc).
Une autre difficulté à laquelle il a été difficile de faire face dans la mise en œuvre du PEBS, c’est sans doute la rareté, voire l’absence des manuels au programme de littérature. Comment implémenter efficacement un programme alors qu’il est impossible de trouver les documents ? Enfin, notons que même la formation des enseignants impliqués dans le programme aurait dû être revue, car le programme imposait l’approche par les compétences (APC), une approche pédagogique qui n’était en ce moment pas enseignée dans les écoles normales (du moins pas dans toutes).
Impréparation, navigation à vue
Les difficultés énoncées supra ne sont peut-être pas les pires. Le programme a été mené tant bien que mal par les équipes pédagogiques impliquées. Pourtant, jusqu’à la troisième année d’implémentation, le format de l’examen BEPC option Bilingue n’était pas encore défini.
Arrivés en 2nde, beaucoup d’élèves ont dû abandonner la section bilingue, et pour cause : rien n’avait été prévu pour les encadrer après la 3ème. Aucune note du ministère donnant des instructions claires et nettes, aucune recommandation. Surtout, ceux des élèves qui s’étaient orientés en section scientifique n’avaient plus aucune possibilité de suivre le programme bilingue spécial.
Où en est le programme ?
Aujourd’hui le programme vit toujours. Des sections bilingues sont créées dans d’autres établissements du pays. Malheureusement, aucune mesure concrète n’a été prise pour remédier aux insuffisances pourtant facilement observables dans les premiers établissements pilotes. Aujourd’hui, la négligence s’est accrue, le programme est implémenté sans aucune rigueur, les points focaux (ceux qui sont responsables de l’implémentation du PEBS dans les établissements) n’ont pas de formation ni d’informations adéquates (même la liste de livres au programme est rare). Ce programme, qui a toutes les caractéristiques d’une expérience ratée car mal exécutée, sera-t-il finalement le tombeau de nos plus brillants cerveaux ?
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